Eclats de vers : Musica 04 : Clavier

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Table des matières

1. Dualité

1.1. Grille polyphonique

On peut représenter une polyphonie comme une superposition de mélodies, mais également comme une succession d’accords, chacun d’entre-eux régnant un certain temps sur le déroulement musical avant de laisser la place à son successeur. Le tableau suivant illustre cette dualité dans le cas d’un septuor :

S : (accord-1, note-1) (accord-2, note-1) (accord-3, note-1) ...
M : (accord-1, note-2) (accord-2, note-2) (accord-3, note-2) ...
A : (accord-1, note-3) (accord-2, note-3) (accord-3, note-3) ...
C : (accord-1, note-4) (accord-2, note-4) (accord-3, note-4) ...
T : (accord-1, note-5) (accord-2, note-5) (accord-3, note-5) ...
Y : (accord-1, note-6) (accord-2, note-6) (accord-3, note-6) ...
B : (accord-1, note-7) (accord-2, note-7) (accord-3, note-7) ...

Cette représentation schématique a le mérite de n’intégrer que les notes essentielles de la polyphonie, ce qui permet de visualiser du premier coup d’oeil les évolutions des voix lors des changements d’accords. Nous appelons grille polyphonique, ou plus simplement grille une telle représentation schématique de la polyphonie.

1.2. Notes

Les notes d’une polyphonie peuvent se scinder en deux catégories :

  • les notes essentielles sont les notes qui appartiennent à la grille polyphonique, et donc à l’un des accords qui la constituent
  • les notes étrangères sont les notes qui n’appartiennent pas à la grille polyphonique, et donc à aucun des accords qui la constituent

Les notes essentielles consitutent la fondation de la polyphonie, tandis que les notes étrangères servent à compléter le discours musical.

Remarque : on utilise également les expressions note réelle ou note constitutive comme synonymes de note essentielle.

1.3. Mélodie

On distingue :

  • l’ intervalle mélodique en général, intervalle entre deux notes consécutives quelconques
  • l’ intervalle mélodique essentiel, intervalle entre deux notes essentielles consécutives

On utilise également l’expression mouvement mélodique essentiel comme synonyme d’intervalle mélodique essentiel.

Il existe donc 4 possibilités de mouvement mélodique :

  1. note essentielle — note essentielle : intervalle mélodique essentiel
  2. note essentielle — note étrangère
  3. note étrangère — note essentielle
  4. note étrangère — note étrangère

1.4. Harmonie

On distingue :

  • l’ intervalle harmonique en général, intervalle entre deux notes simultanées quelconques
  • l’ intervalle harmonique essentiel, intervalle entre deux notes essentielles simultanées

Il existe donc 4 possibilités d’intervalle harmonique :

  1. note essentielle — note essentielle : intervalle harmonique essentiel
  2. note essentielle — note étrangère
  3. note étrangère — note essentielle
  4. note étrangère — note étrangère

1.5. Accords

On peut classer grossièrement les accords en deux catégories, suivant leur importance :

  • les accords stratégiques constituent la clef de voûte du discours musical
  • les accords ornementaux ont pour but de fluidifier et d’ornementer les mélodies

1.6. Enchaînement

Un enchaînement est une suite formée de deux intervalles ou de deux accords consécutifs.

Deux accords consécutifs sont dit enchaînés.

1.6.1. Changement d’harmonie

Une harmonie peut aussi désigner le règne d’un accord.

On parle donc de changement d’harmonie pour signaler un changement d’accord.

1.7. Cadence

Une cadence est une suite d’intervalles ou d’accords qui ponctue le discours musical.

Ce rôle de ponctuation est assuré par les caractèristiques des intervalles ou accords impliqués, et peut être renforcé par :

  • une durée plus longue des notes
  • un rythme ralenti
  • etc

1.8. Rythme harmonique

Le rythme auquel les accords se succèdent est appelé rythme harmonique. Le rythme harmonique peut être régulier ou variable.

Chaque accord règne un certain temps sur la musique avant de laisser la place à son successeur. Ce règne peut durer pendant :

  • une carrure (entière ou fraction)
  • une oscillation
  • une pulsation
  • une mesure
  • un temps
  • ...

1.9. Rencontres

Une rencontre est un instant t où plusieurs notes essentielles de la polyphonie sont entendues. Précisons que ces notes ne sont pas forcément entamées ou terminées ensemble.

La perception du cadre harmonique est renforcée par des rencontres entre les notes essentielles les plus importantes de chaque accord.

Les rencontres peuvent se produire à un rythme régulier ou variable. En fait, elles sont liées au rythme harmonique, l’idéal étant de disposer d’au moins une rencontre par accord.

2. Mouvements harmoniques

2.1. Introduction

Les mouvements harmoniques analysent les modifications de disposition des notes essentielles au cours du règne d’un même accord.

2.2. Échange

L’ échange consiste à intervertir les voix de deux notes essentielles.

Exemple d’échange :

S : mi do
B : do mi

2.3. Changement

Le changement consiste à modifier une des voix pour jouer une autre note de l’accord.

Exemple de changement, ici sur le soprano :

S : mi sol
B : do do

3. Agencements polyphoniques

3.1. Intervalles consécutifs

Il se produit des intervalles consécutifs lorsque deux intervalles harmoniques :

  • essentiels
  • consécutifs
  • situés sur les mêmes voix

sont identiques à l’octave près.

Exemple de tierces consécutives :

S : mi la (monte d’une 4te ou descend d’une 5te)
B : do fa (monte d’une 4te ou descend d’une 5te)

3.2. Intervalles rapprochés

Il se produit des intervalles rapprochés lorsque deux accords consécutifs reproduisent, sur les mêmes voix et à l’octave près, un même intervalle harmonique.

3.2.1. Rapprochés & consécutifs

Des intervalles consécutifs sont forcément rapprochés.

Par contre, des intervalles rapprochés ne sont pas forcément consécutifs : une modification de la disposition du premier ou du deuxième accord peut venir s’intercaler entre les deux intervalles.

Exemple de quintes rapprochées mais pas consécutives, entre le soprano et la basse :

S : sol mi la
A : mi sol fa
B : do do

La première disposition produit la quinte do — sol entre la basse et le soprano. On a ensuite un échange de do — mi — sol vers do — sol — mi. L’accord suivant reproduit une quinte ré — la, toujours entre la basse et le soprano.

3.3. Croisement

Un croisement se produit lorsqu’une note essentielle d’une voix normalement plus grave croise à la hausse une note essentielle d’une voix plus aiguë.

3.4. Chevauchement

Un chevauchement se produit dans les cas suivants :

  • une note essentielle d’une voix plus grave croise à la hausse une note essentielle d’une voix plus aiguë de l’accord précédent
  • une note essentielle d’une voix plus aiguë croise à la baisse une note essentielle d’une voix plus grave de l’accord précédent

3.5. Fausse relation

Une fausse relation est une association de deux notes disposées sur des voix différentes.

3.5.1. Chromatique

Une fausse relation chromatique se produit lorsque les trois notes d’un mouvement chromatique ne sont pas toutes disposées sur la même voix.

3.5.2. Triton

Une fausse relation de triton se produit lorsque les deux notes d’un intervalle de triton :

  • appartiennent à deux accords consécutifs
  • sont situées sur deux voix différentes

4. Mouvements polyphoniques

4.1. Introduction

Les mouvements polyphoniques comparent les évolutions de deux voix quelconques de la grille polyphonique lors d’un changement d’accord, ce qui les place au croisement de l’harmonie et de la mélodie.

On peut voir un mouvement polyphonique comme :

  • une superposition de deux intervalles mélodiques essentiels
  • un enchaînement de deux intervalles harmoniques essentiels

Les notes impliquées sont donc des notes essentielles, et les intervalles mélodiques sont des intervalles mélodiques essentiels.

4.2. Mouvement parallèle

Il se produit un mouvement parallèle lorsque les deux voix évoluent dans la même direction en utilisant le même intervalle mélodique.

Remarque : dans le cadre des mouvements polyphoniques, on ne fait pas de distinction entre les intervalles majeurs et mineurs. Par exemple, si une voix monte d’une seconde majeure pendant que l’autre monte d’une seconde mineure, le mouvement sera considéré comme parallèle.

4.2.1. Ascendant

Un mouvement parallèle ascendant est un mouvement parallèle où les deux voix évoluent vers l’aigu.

Exemple de mouvement parallèle ascendant :

S : mi (monte)
B : la si (monte)

4.2.2. Descendant

Un mouvement parallèle descendant est un mouvement parallèle où les deux voix évoluent vers le grave.

Exemple de mouvement parallèle descendant :

S : do (descend)
B : la sol (descend)

4.2.3. Continuité

Un mouvement parallèle conjoint est un mouvement parallèle où les deux voix évoluent par mouvement conjoint.

Un mouvement parallèle disjoint est un mouvement parallèle où les deux voix évoluent par mouvement disjoint.

4.3. Mouvement direct

Il se produit un mouvement direct lorsque les deux voix évoluent dans la même direction, mais au moyen d’intervalles différents.

4.3.1. Ascendant

Un mouvement direct ascendant est un mouvement direct où les deux voix évoluent vers l’aigu.

Exemple de mouvement direct ascendant :

S : fa sol (monte)
B : mi si (monte)

4.3.2. Descendant

Un mouvement direct descendant est un mouvement direct où les deux voix évoluent vers le grave.

Exemple de mouvement direct descendant :

S : fa mi (descend)
B : sol do (descend)

4.3.3. Continuité

Un mouvement direct conjoint est un mouvement direct où l’une des voix évolue par mouvement conjoint tandis que l’autre évolue par mouvement disjoint.

Un mouvement direct disjoint est un mouvement direct où les deux voix évoluent par mouvement disjoint.

4.4. Mouvement oblique

Il se produit un mouvement oblique lorsqu’une des deux voix reste constante pendant que l’autre varie.

Le mouvement oblique se produit généralement lorsqu’une note commune à deux accords consécutifs est disposée sur la même voix.

4.4.1. Ascendant

Un mouvement oblique ascendant est un mouvement oblique où la voix mobile évolue vers l’aigu.

Exemple de mouvement oblique ascendant :

S : fa sol (monte)
B : do do (constant)

4.4.2. Descendant

Un mouvement oblique descendant est un mouvement oblique où la voix mobile évolue vers le grave.

Exemple de mouvement oblique descendant :

S : fa (descend)
B : do do (constant)

4.4.3. Continuité

Un mouvement oblique conjoint est un mouvement oblique où la voix mobile évolue par mouvement conjoint.

Un mouvement oblique disjoint est un mouvement oblique où la voix mobile évolue par mouvement disjoint.

4.5. Mouvement contraire

Il se produit un mouvement contraire lorsque les deux voix évoluent dans des directions opposées : l’une monte, tandis que l’autre descend.

4.5.1. Extérieur

Un mouvement extérieur est un mouvement contraire où la voix supérieure monte, tandis que la voix inférieure descend.

Pour s’en souvenir, se rappeler que les voix d’un mouvement extérieur se dirigent vers l’extérieur du premier intervalle harmonique.

Exemple de mouvement extérieur :

S : si do (monte)
B : sol fa (descend)

4.5.2. Intérieur

Un mouvement intérieur est un mouvement contraire où la voix supérieure descend, tandis que la voix inférieure monte.

Pour s’en souvenir, se rappeler que les voix d’un mouvement intérieur se dirigent vers l’intérieur du premier intervalle harmonique.

Exemple de mouvement intérieur :

S : si la (descend)
B : mi fa (monte)

4.5.3. Continuité

Un mouvement contraire conjoint est un mouvement contraire où les deux voix évoluent par mouvement conjoint.

Un mouvement contraire disjoint est un mouvement contraire où au moins une des voix évolue par mouvement disjoint.

Un mouvement extérieur conjoint est un mouvement extérieur où les deux voix évoluent par mouvement conjoint.

Un mouvement extérieur disjoint est un mouvement extérieur où au moins une des voix évolue par mouvement disjoint.

Un mouvement intérieur conjoint est un mouvement intérieur où les deux voix évoluent par mouvement conjoint.

Un mouvement intérieur disjoint est un mouvement intérieur où au moins une des voix évolue par mouvement disjoint.

4.6. Tableau récapitulatif

Lorsque les directions des voix sont représentées, on utilise la convention suivante :

direction de la voix supérieure : direction de la voix inférieure

Une double barre inclinée symbolise un intervalle mélodique plus grand que la barre inclinée simple.

Mouvement Sens Intervalles Nombre de Nombre de
    mélodiques voix voix
      constantes conjointes
parallèle = = 0  
parallèle ascendant / : / = 0  
parallèle descendant \ : \ = 0  
parallèle conjoint = = 0 2
parallèle disjoint = = 0 0
direct = pas = 0  
direct ascendant // : / pas = 0  
  / : // pas = 0  
direct descendant \\ : \ pas = 0  
  \ : \\ pas = 0  
direct conjoint = pas = 0 1
direct disjoint = pas = 0 0
oblique   pas = 1  
oblique ascendant / : — pas = 1  
  — : / pas = 1  
oblique descendant \ : — pas = 1  
  — : \ pas = 1  
oblique conjoint   pas = 1 2
oblique disjoint   pas = 1 1
contraire opposés   0  
extérieur / : \   0  
intérieur \ : /   0  
contraire conjoint opposés = 0 2
contraire disjoint opposés   0 1 ou 0
extérieur conjoint / : \ = 0 2
extérieur disjoint / : \   0 1 ou 0
intérieur conjoint \ : / = 0 2
intérieur disjoint \ : /   0 1 ou 0

5. Principes

5.1. Introduction

Voici quelques caractéristiques propres à une polyphonie réussie :

  • cohérence
    • chaque voix fait entendre une mélodie cohérente
    • l’ensemble de la polyphonie est cohérent
  • clarté
    • à chaque instant, on doit pouvoir discerner les voix les plus importantes
    • l’ensemble ne surcharge pas l’oreille
  • simplicité
    • économie de mouvement aux changements d’accords
  • équilibre & variété
    • les voix sont équilibrées
    • les intervalles mélodiques sont variés
    • les mouvements polyphoniques sont variés
  • indépendance
    • les voix sont indépendantes
  • avant-plan et arrière-plan
    • à chaque instant, certaines voix sont mises en avant-plan et d’autres en arrière-plan
      • voix en avant-plan = personnages
      • voix en arrière-plan = décor
    • le nombre de voix en avant-plan n’est pas trop élevé afin de ne pas surcharger l’oreille
  • dialogue
    • la succession des thèmes d’avant-plan mis bout à bout forme un ensemble cohérent qui se balade de voix en voix, donnant une impression de causerie où les voix se répondent

5.2. Mélodie

5.2.1. Intervalles

On privilégie les intervalles mélodiques allant de l’unisson à la sixte mineure, auxquels on ajoute l’octave :

  • l’unisson juste
  • les secondes majeure et mineure
  • les tierces majeure et mineure
  • la quarte juste
  • la quinte juste
  • la sixte mineure
  • l’octave juste

Les autres intervalles sont moins utilisés :

  • la sixte majeure
  • les septièmes majeure et mineure
  • les intervalles dépassant l’octave
  • les intervalles augmentés et diminués
  • les intervalles sur-augmentés et sur-diminués

Cette classification est lié à la musique vocale : les intervalles au-dessus de la sixte mineure, octave excepté, sont considérés comme difficiles à chanter. Toutefois, la musique traditionnelle utilise volontiers les sauts mélodiques expressifs, et dépasse parfois la sixte mineure. Citons comme exemple le chant « Deck the Hall », qui utilise la sixte majeure dans son thème principal.

Plus généralement, l’intervalle mélodique maximal va dépendre de l’instrument. Beaucoup d’entre-eux sont capables de produire des sauts d’une grande amplitude :

  • instruments à clavier
  • famille des guitares
  • famille des violons
  • etc

5.2.2. Continuité

On privilégie les mouvements conjoints.

Les mouvements disjoints sont de préférence précédés ou suivis par un intervalle mélodique allant dans le sens opposé du saut.

5.2.3. Changement d’accord

Les intervalles mélodiques à privilégier sont, par ordre décroissant :

  1. mouvement conjoint : seconde ou unisson
  2. quarte et quionte
  3. tierce
  4. sixte
  5. octave
  6. éviter : septième

Ce classement ne doit toutefois pas empiéter sur les principes d’équilibre et d’indépendance des voix qui demandent de varier les intervalles.

5.3. Économie de mouvement

5.3.1. Changement d’accord

Le principe d’ économie de mouvement dit que les notes essentielles doivent évoluer majoritairement par mouvement conjoint au cours d’un changement d’accord, ce qui permet :

  • de distinguer plus aisément les différentes voix de la polyphonie
  • de distinguer les intervalles internes des accords (tierces, sixtes, etc) des intervalles permettant l’enchaînement

On priviligiera donc à chaque enchaînement, par ordre décroissant :

  1. le mouvement conjoint sur une majorité des voix
  2. le saut de quinte ou de quarte
  3. le saut de tierce ou de sixte

Remarque : ce principe s’applique aux changements de notes essentielles lors du passage d’un accord à un autre. Il n’y a aucune réserve à avoir concernant l’utilisation des tierces et des sixtes mélodiques à l’intérieur du règne d’un même accord.

5.3.2. Mélodie

Le principe d’économie de mouvement est également valable dans la dimension horizontale de la grille polyphonique générée par la succession des accords.

Chaque mélodie de la polyphonie doit évoluer majoritairement par mouvement conjoint, ceci afin de permettre à l’oreille de discerner les différentes voix qui composent la polyphonie.

Cette continuité majoritaire permet également d’accentuer aisément certains passages du discours musical (fin de phrase, mise en valeur d’une émotion, etc) en utilisant le contraste qu’offrent alors les sauts discontinus des mouvements disjoints.

5.4. Agencements

5.4.1. Croisement & chevauchement

Le croisement et le chevauchement perturbent l’ordre naturel des lignes mélodiques. Afin de bien les distinguer, ils sont donc à utiliser avec modération.

Dans certains cas, ils se révèlent très utiles pour assurer une bonne conduite des voix, qui sans eux serait difficile voire impossible.

Certains paramètres musicaux, comme l’utilisation de timbres différents, permettent d’éviter la confusion des voix. Il peut aussi arriver qu’une confusion fugitive soit souhaitée.

5.5. Mouvements polyphoniques

Les mouvements polyphoniques à privilégier sont, par ordre décroissant :

  1. le mouvement contraire
  2. le mouvement oblique
  3. le mouvement direct
  4. le mouvement parallèle

Ce classement ne doit toutefois pas empiéter sur les principes d’équilibre et d’indépendance des voix qui demandent de varier les mouvements.

5.5.1. Mouvement contraire

Le mouvement contraire contribue à l’équilibre et à l’indépendance des voix.

Il est à privilégier autour des configuration musicales aisément détectables par l’oreille : consonances parfaites, dissonances, etc.

Si le mouvement contraire permet d’affirmer ponctuellement l’indépendance des voix impliquées, il ne faut toutefois pas en abuser. Que l’on songe au cas extrême où deux voix données évoluent constamment par mouvement contraire : chacune d’elle semble alors devenir le reflet de l’autre, ce qui est à l’opposé de l’indépendance recherchée.

5.5.2. Mouvement oblique

Tout comme le mouvement contraire, il est à privilégier autour des consonances parfaites, dissonances, etc.

5.5.3. Mouvement direct

Le mouvement direct conjoint est le plus élégant : une des voix évolue par mouvement conjoint tandis que l’autre effectue un mouvement disjoint (idéalement quarte ou quinte), l’idée étant que le contraste entre les variations des deux voix le fasse ressembler à un mouvement oblique.

5.6. Notes communes

5.6.1. Aucune note commune

Si la basse évolue par mouvement conjoint et que les accords enchaînés ne possèdent aucune note commune, on essaie de faire évoluer les autres voix dans l’autre sens, pour conserver un certain équilibre. Lorsque ce n’est pas possible, on essaie malgré tout de réaliser un mouvement contraire entre les voix extrêmes.

Comme toujours, on privilégie le mouvement conjoint.

Les enchaînements d’accords parfaits où la fondamentale monte ou descend d’une seconde ne possèdent aucune note commune.

Nous considérons des enchaînements :

  • à quatre voix
  • d’accords parfaits
  • à l’état fondamental
  • avec une basse conjointe
  • avec une doublure

Exemple avec une basse qui descend d’une seconde :

S : mi (monte)
A : la do (monte)
T : fa sol (monte)
B : do (descend)

Exemple avec une basse qui monte d’une seconde :

S : si (descend)
A : fa mi (descend)
T : la sol (descend)
B : mi (monte)

5.6.2. Une note commune

Lorsque deux accords consécutifs possèdent une seule note commune, on la place généralement comme note constante sur une même voix afin de respecter la philosophie de l’économie de mouvement. On génère alors des mouvements obliques avec les autres voix.

On privilégie les mouvements conjoints, avec éventuellement un mouvement disjoint.

Les enchaînements d’accords parfaits où la fondamentale monte ou descend d’une quinte possèdent une note commune. L’équilibre entre la note commune et les deux nouvelles notes en font d’excellentes progressions.

Nous considérons des enchaînements :

  • à quatre voix
  • d’accords parfaits
  • à l’état fondamental
  • avec une basse disjointe
  • avec une doublure

Lorsque la fondamentale descend d’une quinte, la basse du deuxième accord fera entendre une nouvelle note, ce qui produira plus de contraste.

Exemple :

S : mi fa
A : do
T : la la
B : la

Lorsque la fondamentale monte d’une quinte, la basse du deuxième accord fera aussi entendre la note commune, ce qui produira moins de contraste.

Exemple :

S : mi mi
A : do si
T : la sol
B : la mi

5.6.3. Deux notes communes

Lorsque deux accords consécutifs possèdent deux notes communes, on place généralement chacune d’elle comme note constante sur une même voix.

Les deux notes communes offrent un contraste moins prononcé qu’avec une seule.

Les enchaînements d’accords parfaits où la fondamentale monte ou descend d’une tierce possèdent deux notes communes.

Nous considérons des enchaînements :

  • à quatre voix
  • d’accords parfaits
  • à l’état fondamental
  • avec une basse disjointe
  • avec une doublure

Lorsque la fondamentale descend d’une tierce, la basse du deuxième accord fera entendre une nouvelle note, ce qui produira plus de contraste.

Exemple :

S : la la
A : mi fa
T : do do
B : la fa

Lorsque la fondamentale monte d’une tierce, la basse du deuxième accord fera entendre une des notes communes, ce qui produira moins de contraste.

Exemple :

S : la sol
A : mi mi
T : do do
B : la do

5.6.4. Note commune sur deux voix distinctes

Un mouvement direct disjoint peut être amélioré si une note du premier intervalle harmonique est réentendue à la même hauteur dans l’accord suivant. Cette astuce crée une impression de continuité entre les deux voix impliquées, et fait passer le mouvement direct à l’arrière-plan.

La deuxième audition de la note se fait normalement sur la voix immédiatement supérieure ou inférieure.

Exemple de mouvement direct entre le soprano et l’alto, où la deuxième audition du mi se fait à la voix immédiatement inférieure :

S : mi sol (monte)
A : la mi (monte)
T : do si  
B : la sol  

Exemple de mouvement direct entre le ténor et la basse où la deuxième audition du la se fait à la voix immédiatement supérieure :

S : mi fa  
A : la fa  
T : do la (descend)
B : la (descend)

5.7. Lignes mélodiques extrêmes

Les mouvements formés par les lignes mélodiques extrêmes (basse et soprano) doivent être particulièrement soignés, car ce sont les voix les plus évidentes pour l’oreille.

5.7.1. Basse

À la basse, on préfèrera les intervalles mélodiques suivants :

  • unisson
  • seconde
  • quarte ou quinte

Nous parlons bien sûr des intervalles mélodiques aux changements d’accords : les intervalles de tierces ou de sixtes dans les arpèges au sein d’un même accord ne posent aucun problème. Au contraire, ils permettent de produire un contraste entre les intervalles mélodiques intra-accord et les autres.

5.8. Lien polyphonique

On dit qu’il existe un lien polyphonique entre deux accords s’il est possible de les enchaîner en respectant les principes énoncés jusqu’ici :

  • équilibre, mouvements polyphoniques variés
  • mouvement contraire > oblique > direct > parallèle
  • économie de mouvement, majorité de mouvement conjoint
  • note commune de préférence sur une même voix
  • etc

6. Cadences d’intervalles

6.1. Introduction

Une cadence d’intervalles est une cadence construite comme un enchaînement d’intervalles harmoniques qui débouche sur une consonance parfaite : unisson, octave ou quinte.

6.2. Mouvement polyphonique associé

Les cadences d’intervalles sont nommées d’après le mouvement polyphonique auquel elles sont associées. En voici quelques unes :

Mouvement Cadence
contraire contraire
extérieur extérieure
intérieur intérieure
contraire conjoint contraire conjointe
extérieur conjoint extérieure conjointe
oblique oblique
oblique conjoint oblique conjointe
oblique disjoint oblique disjointe
direct directe
parallèle parallèle

6.3. Classement

L’ordre de préférence est le même que pour les mouvements polyphoniques, à la nuance près que les cadences contraire et oblique sont de loin les plus utilisées :

contraire > oblique >> directe > parallèle

Les plus appréciées sont les cadences contraires conjointes, et en particulier :

  • la cadence extérieure conjointe arrivant sur
    • octave
    • quinte
  • la cadence intérieure conjointe arrivant sur unisson

6.4. Contraire conjointe

6.4.0.1. Arrivée sur unisson

La cadence extérieure conjointe arrivant sur unisson nécessite un croisement des voix et est donc à utiliser avec précaution. Exemple :

S : sol la (monte)
B : si la (descend)

Par contre, la cadence intérieure conjointe arrivant sur unisson part d’une tierce, ce qui ne pose aucun problème. Exemple :

S : si la (descend)
B : sol la (monte)
6.4.0.2. Arrivée sur octave

La cadence extérieure conjointe arrivant sur octave part d’une sixte. En voici un exemple :

S : mi fa (monte)
B : sol fa (descend)
6.4.0.3. Arrivée sur quinte

La cadence extérieure conjointe arrivant sur quinte part d’une tierce. En voici un exemple :

S : la si (monte)
B : fa mi (descend)

7. Cadences modales

7.1. Introduction

Une cadence construite à partir d’intervalles harmoniques possède une couleur musicale caractéristique. Cette couleur musicale dépend des intervalles mélodiques parcourus par les voix lors de l’enchaînement. Or, ces intervalles mélodiques sont eux-mêmes tributaires de la basse amenée par la cadence, note qui correspond généralement au mode utilisé. Les cadences d’intervalles peuvent donc être associées au mode en cours, formant ainsi les cadences modales.

Les cadences d’intervalles utilisées sont généralement des cadences extérieures conjointes.

Suivant la consonance parfaite obtenue%, trois cas peuvent se présenter. Lors d’une arrivée sur :

  • unisson, la tonique est la note amenée par la cadence, identique sur les deux voix
  • octave, la tonique est la note amenée par la cadence, identique à l’octave près sur les deux voix
  • quinte, la tonique est la basse amenée par la cadence

Pour les modes naturels, on arrive sur un :

  • fa, pour une cadence lydienne
  • do, pour une cadence ionienne
  • sol, pour une cadence mixolydienne
  • ré, pour une cadence dorienne
  • la, pour une cadence éolienne
  • mi, pour une cadence phrygienne
  • si, pour une cadence locrienne

7.2. Cadence lydienne

La cadence lydienne est liée au mode lydien, le mode de fa.

Dans cet exemple d’arrivée sur octave par une cadence extérieure conjointe :

S : mi fa
B : sol fa

on remarque que la voix supérieure monte d’un demi-ton, tandis que la voix inférieure descend d’un ton.

On observe les mêmes intervalles mélodiques lors d’une arrivée sur quinte, dont voici un exemple :

S : si do
B : sol fa

7.3. Cadence ionienne

La cadence ionienne est liée au mode ionien, le mode de do.

Dans cet exemple d’arrivée sur octave par une cadence extérieure conjointe :

S : si do
B : do

on remarque que la voix supérieure monte d’un demi-ton, tandis que la voix inférieure descend d’un ton.

Lors d’une arrivée sur quinte :

S : fa sol
B : do

on remarque que les deux voix évoluent par ton.

7.4. Cadence mixolydienne

La cadence mixolydienne est liée au mode mixolydien, le mode de sol.

Dans cet exemple d’arrivée sur octave par une cadence extérieure conjointe :

S : fa sol
B : la sol

on remarque que les deux voix évoluent par ton.

Même constatation lors d’une arrivée sur quinte :

S : do
B : la sol

7.5. Cadence dorienne

La cadence dorienne est liée au mode dorien, le mode de .

Dans cet exemple d’arrivée sur octave par une cadence extérieure conjointe :

S : do
B : mi

on remarque que les deux voix évoluent par ton.

Même constatation lors d’une arrivée sur quinte :

S : sol la
B : mi

7.6. Cadence éolienne

La cadence éolienne est liée au mode éolien, le mode de la.

Dans cet exemple d’arrivée sur octave par une cadence extérieure conjointe :

S : sol la
B : si la

on remarque que les deux voix évoluent par ton.

Même constatation lors d’une arrivée sur quinte :

S : mi
B : si la

7.7. Cadence phrygienne

La cadence phrygienne est liée au mode phrygien, le mode de mi.

Dans cet exemple d’arrivée sur octave par une cadence extérieure conjointe :

S : mi
B : fa mi

on remarque que la voix supérieure monte d’un ton, tandis que la voix inférieure descend d’un demi-ton.

On observe les mêmes intervalles mélodiques lors d’une arrivée sur quinte, dont voici un exemple :

S : la si
B : fa mi

7.8. Cadence locrienne

La cadence locrienne est liée au mode locrien, le mode de si.

Dans cet exemple d’arrivée sur octave par une cadence extérieure conjointe :

S : la si
B : do si

on remarque que la voix supérieure monte d’un ton, tandis que la voix inférieure descend d’un demi-ton.

L’arrivée sur quinte n’est pas vraiment utilisée, car elle déboucherait sur une quinte diminuée, intervalle instable qui ne convient pas à la fin d’une cadence :

S : mi fa
B : do si

7.9. Tableau récapitulatif

Mode Intervalle Intervalle Intervalle
  de la basse vers la quinte vers l’octave
lydien ton demi-ton demi-ton
ionien ton ton demi-ton
mixolydien ton ton ton
dorien ton ton ton
éolien ton ton ton
phrygien demi-ton ton ton
locrien demi-ton demi-ton ton

7.10. Sensible

Lorsqu’un mode naturel ne possède ni sensible inférieure, ni sensible supérieure, il est d’usage de hausser le degré 7 d’un demi-ton lors des cadences modales. On fait ainsi apparaître une sensible inférieure temporaire.

Les modes concernés sont :

  • le mode mixolydien
  • le mode dorien
  • le mode éolien

Exemples de cadences avec sensible inférieure, la cadence mixolydienne :

S : fa# sol
B : la sol

la cadence dorienne :

S : do#
B : mi

le cadence éolienne :

S : sol# la
B : si la

7.11. Transposition

Toute transposition exacte d’une cadence modale sera caractérisée par les mêmes intervalles mélodiques que la cadence d’origine. La cadence modale transposée pourra donc être associée au même mode que la cadence originale.

8. Évolution des cadences modales

8.1. Combinaisons de cadences modales

En combinant deux cadences modales à deux voix qui partagent une même basse, on obtient une cadence à trois voix.

8.1.1. Cadence Machaut

La cadence Machaut résulte de l’association de deux cadences lydiennes qui partagent une même basse. La première de ces cadences débouche sur une octave et la seconde sur une quinte.

Voici un exemple de construction, avec tout d’abord l’arrivée sur octave :

S : mi fa
B : sol fa

ensuite l’arrivée sur quinte :

A : si do
B : sol fa

et la cadence combinée qui en résulte :

S : mi fa
A : si do
B : sol fa

On remarque que la première étape est un accord parfait au premier renversement.

8.1.2. Cadence Landini

La cadence Landini est une variante de la cadence Machaut. Une étape intermédiaire est ajoutée, sous la forme d’une cadence oblique conjointe arrivant sur quinte et faisant intervenir les voix extrêmes. La basse et la voix médiane restent constantes durant cette étape, ce qui nous donne :

S : mi
A : si si
B : sol sol

On remarque que l’étape intermédiaire est un accord parfait à l’état fondamental.

On retrouve ensuite les arrivées sur octave et sur quinte de la cadence Machaut :

S : mi fa
A : si si do
B : sol sol fa

8.1.3. Cadence ionienne à trois voix

La cadence ionienne à trois voix résulte de l’association de deux cadences ioniennes qui partagent une même basse. La première de ces cadences débouche sur une octave et la seconde sur une quinte.

Voici un exemple de construction, avec tout d’abord l’arrivée sur octave :

S : si do
B : do

ensuite l’arrivée sur quinte :

A : fa sol
B : do

et la cadence combinée qui en résulte :

S : si do
A : fa sol
B : do

On remarque que la première étape est un accord parfait au premier renversement.

8.1.4. Cadence phrygienne à trois voix

La cadence phrygienne à trois voix résulte de l’association de deux cadences phrygiennes qui partagent une même basse. La première de ces cadences débouche sur une octave et la seconde sur une quinte.

Voici un exemple de construction, avec tout d’abord l’arrivée sur octave :

S : mi
B : fa mi

ensuite l’arrivée sur quinte :

A : la si
B : fa mi

et la cadence combinée qui en résulte :

S : mi
A : la si
B : fa mi

On remarque que la première étape est un accord parfait au premier renversement.

8.2. Ajout de voix

Les cadences modales à trois voix et plus peuvent se construire en ajoutant une ou plusieurs voix à une cadence contraire conjointe.

Voici un exemple d’ajout d’une voix conjointe variable (ici à l’alto) à une cadence extérieure conjointe arrivant sur un fa et son octave. La voix supplémentaire évolue pour arriver une quinte au-dessus de la basse finale, et on retrouve la cadence Machaut :

S : mi fa
A : si do
B : sol fa

On peut aussi ajouter une voix constante (ici à l’alto). Dans l’exemple suivant, la voix supplémentaire est choisie pour arriver une quinte au-dessus de la basse finale :

S : mi fa
A : do do
B : sol fa

Enfin, on peut ajouter une voix disjointe (ici à la basse). L’intervalle mélodique essentiel est souvent une quinte ou une quarte pour contraster avec les mouvements conjoints sur les autres voix. Dans l’exemple suivant, la voix supplémentaire descend d’une quinte pour arriver une ou plusieurs octaves sous les autres notes finales :

S : mi fa
A : sol fa
B : do fa

8.3. Ajout de deux voix

8.3.1. Cadence ionienne à quatre voix

Si nous partons d’une cadence ionienne et que nous ajoutons :

  • une voix disjointe à la basse, qui arrive sur la note correspondant au mode
  • une voix constante une quinte au-dessus de la basse finale

nous obtenons :

S : si do
A : sol sol
T : do
B : sol do

On remarque que la première étape est un accord parfait de dominante à l’état fondamental.

Si nous partons d’une cadence ionienne et que nous ajoutons :

  • une voix disjointe à la basse, qui arrive sur la note correspondant au mode
  • une voix conjointe montante arrivant une quinte au-dessus de la basse finale

nous obtenons :

S : si do
A : fa sol
T : do
B : sol do

On remarque que la première étape est une septième de dominante à l’état fondamental.

Si nous partons d’une cadence ionienne et que nous ajoutons :

  • une voix conjointe montante arrivant une quinte au-dessus de la basse finale
  • une voix conjointe descendante arrivant une tierce au-dessus de la basse finale
S : si do
A : fa mi
T : fa sol
B : do

On peut considérer la première étape comme une septième de dominante sans fondamentale.

8.3.2. Cadence phrygienne à quatre voix

Si nous partons d’une cadence phrygienne et que nous ajoutons :

  • une voix disjointe à la basse, qui arrive sur la note correspondant au mode
  • une voix constante une quinte au-dessus de la basse finale

nous obtenons :

S : mi
A : si si
T : fa mi
B : si mi

Si nous partons d’une cadence phrygienne et que nous ajoutons :

  • une voix conjointe montante arrivant une quinte au-dessus de la basse finale
  • une voix conjointe descendante arrivant une tierce au-dessus de la basse finale

nous obtenons :

S : mi
A : la sol
T : la si
B : fa mi

8.4. Ajout de trois voix

8.4.1. Cadence ionienne à cinq voix

Si nous partons d’une cadence ionienne et que nous ajoutons :

  • une voix disjointe à la basse
  • une voix conjointe descendante arrivant une tierce au-dessus de la basse finale
  • une voix constante une quinte au-dessus de la basse finale

nous obtenons :

S : si do
M : fa mi
A : sol sol
T : do
B : sol do

Si nous partons d’une cadence ionienne et que nous ajoutons :

  • une voix disjointe à la basse
  • une voix conjointe montante arrivant une quinte au-dessus de la basse finale
  • une voix conjointe descendante arrivant une tierce au-dessus de la basse finale

nous obtenons :

S : si do
M : fa mi
A : fa sol
T : do
B : sol do

8.5. Ajout de quatre voix

8.5.1. Cadence ionienne à six voix

Si nous partons d’une cadence ionienne et que nous ajoutons :

  • une voix disjointe à la basse
  • une voix conjointe montante arrivant une quinte au-dessus de la basse finale
  • une voix conjointe descendante arrivant une tierce au-dessus de la basse finale
  • une voix constante une quinte au-dessus de la basse finale

nous obtenons :

S : si do
M : fa mi
A : sol sol
T : fa sol
Y : do
B : sol do

9. Ornements

9.1. Introduction

La modélisation d’une polyphonie sous la forme d’une suite d’accords est d’une grande clarté et permet de cerner l’essentiel. Mais l’essentiel n’est pas tout, et si la sobriété est très utile dans les premières phases de la composition, on est amenés par la suite à insérer des ornements afin de donner de la souplesse aux lignes mélodiques ou d’enrichir la dynamique harmonique.

On appelle note ornementale une note constitutive d’un ornement.

9.2. Notes essentielles & étrangères

Parmi les notes ornementales, on distingue :

  • les notes ornementales essentielles : notes ornementales qui font partie de l’accord en cours
  • les notes ornementales étrangères : notes ornementales qui ne font pas partie de l’accord en cours

9.3. Ornements harmoniques

9.3.1. Introduction

Cette section analyse les ornements dont la fonction est essentiellement harmonique.

9.3.2. Pédale

Une pédale est une note qui reste obstinément constante, indépendamment des accords qui se succèdent sur les autres voix.

Une pédale est placée le plus souvent à la basse ou au soprano, plus rarement aux voix intermédiaires.

Exemple de pédale, ici à la basse :

S : la si mi
A : fa sol do
B : do do do

9.3.3. Retard

Un retard est une note intégrée à un accord et qui se poursuit au-delà du changement d’accord, empiétant sur le début du règne de l’accord suivant.

Exemple de retard, ici au soprano :

S : do
A : la sol sol
B : fa mi mi

9.3.4. Anticipation

Une anticipation est une note appartenant à un accord qui est entamée avant la fin du règne de l’accord précédent.

Exemple d’anticipation, ici au soprano :

S : fa mi mi
A : la la sol
B : do

9.3.5. Appogiature

Une appogiature est une note arbitraire jouée au début du règne d’un accord.

9.4. Ornements mélodiques

9.4.1. Introduction

Cette section analyse les ornements dont la fonction est essentiellement mélodique.

9.4.1.1. Économie de mouvement

Les ornements mélodiques permettent de rendre une mélodie continue là où on le souhaite.

9.4.2. Note de passage

Une note de passage est une note ornementale intermédiaire permettant de relier par mouvement conjoint deux notes disjointes appartenant à un même accord où à deux accords successifs.

Exemple, le si dans :

do si la

Autre exemple, avec deux notes de passage consécutives :

do si la

9.4.3. Broderie

La broderie quitte une note de l’accord par mouvement conjoint et la retrouve juste après.

On distingue :

  • la broderie supérieure, qui monte d’un degré avant de redescendre
  • la broderie inférieure, qui descend d’un degré avant de remonter

Exemple de broderie supérieure :

do do

Exemple de broderie inférieure :

fa mi fa

9.4.3.1. Double

La double broderie combine les broderies supérieure et inférieure.

Exemple :

do ré si do

9.4.4. Gruppetto

Un gruppetto consiste à onduler en faisant entendre une note et ses voisines.

Exemple de grupetto supérieur autour de do :

ré do si do

La note d’origine peut entamer l’ornement :

do ré do si do

Exemple de grupetto inférieur autour de do :

si do ré do

La note d’origine peut entamer l’ornement :

do si do ré do

9.4.5. Échappée

L’ échappée quitte une note de l’accord par mouvement conjoint puis évolue par mouvement disjoint vers une note du même accord ou de l’accord suivant.

Exemple, le la dans :

sol la

9.4.6. Arpège

Un arpège consiste à jouer consécutivement une partie ou la totalité des notes de l’accord en cours. Chaque note peut être répétée, à l’unisson où à l’octave près.

Les arpèges d’accords à base de tierces sont très utilisés dans la construction de voix accompagnatrices d’une mélodie principale.

Les arpèges d’accords à base de quintes s’apparentent aux modes pentaphoniques ou tétraphoniques. Ils sont donc très utilisés dans la construction de mélodies blues par exemple.

9.4.6.1. Accord brisé

Un accord brisé est une généralisation de l’arpège, où plusieurs notes de l’accord peuvent être jouées simultanément. Les deux termes sont parfois considérés comme synonymes.

9.5. Ornements répétitifs

9.5.1. Roulement

Un roulement consiste à répéter une même note. Exemple :

do do do do do do do do

9.5.2. Trémolo

Un trémolo consiste à alterner deux notes. Exemple :

do sol do sol do sol do sol

9.5.2.1. Basse de Murky

Il s’agit d’un trémolo en octave.

9.5.3. Trille

Un trille consiste à alterner deux notes séparées par un intervalle de seconde. Exemple :

do ré do ré do ré do ré

9.6. Combinaisons

Les ornements peuvent être combinés : broderie d’une note de passage, retard d’une broderie, anticipation d’une note de passage, etc.

10. Accords ornementaux

10.1. Harmoniques

10.1.1. Accord pédale

Un accord pédale est un accord maintenu constant sur une partie des voix pendant que d’autres accords se succèdent sur les autres voix.

Un exemple d’accord-pédale est celui où un même accord est arpégé inlassablement sur une des voix.

10.2. Mélodiques

10.2.1. Accord broderie

Un accord broderie est un accord dont au moins une des notes effectue une broderie par rapport aux notes des accords environnant disposées sur la même voix.

Le second renversement d’un accord de trois notes peut servir d’accord de broderie. En effet, il est proche d’un accord dont la fondamentale est située une quinte plus haut. On le fait donc souvent suivre et/ou précéder par cet accord. On observe alors les intervalles suivant, par rapport à la basse :

  • tierce —> quarte —> tierce
  • quinte —> sixte —> quinte

Exemple de broderie d’une triade de fondamentale do :

S : sol la sol
A : mi fa mi
B : do do do

10.2.2. Accord de passage

Les accords de passage ont pour fonction de réaliser une transition fluide, principalement par mouvements conjoints, entre deux autres accords.

Exemple :

S : mi do
A : sol sol la
T : do si la
B : do mi
10.2.2.1. Échange

Lorsqu’on souhaite échanger deux notes d’un accord tout en opérant par mouvements conjoints, il est parfois nécessaire d’intercaler un accord de passage entre la disposition initiale et la disposition finale. À deux voix, on a par exemple :

S : mi do
B : do mi

Dans cet exemple, on échange le soprano et la basse :

S : do mi
A : do si do
T : sol sol sol
B : mi do

Autre exemple, avec un accord de quatre notes comme point de départ :

S : do mi
A : si si si
T : sol sol sol
B : mi do

Enfin, l’accord final peut aussi comporter quatre notes :

S : do mi
A : do si la
T : sol sol sol
B : mi do
10.2.2.2. Suites d’accords de passage

Il est possible d’enchaîner plusieurs accords de passage. On assiste alors généralement à la formation de portions de gammes diatoniques ou chromatiques sur une des voix.

11. Les consonances adoucissent les dissonances

11.1. Introduction

Pour atténuer l’effet d’une note dissonance, on peut s’arranger pour que cette note forme un intervalle consonant avec au moins une des autres notes de l’accord.

L’effet adoucissant est renforcé lorsqu’il fait intervenir une voix voisine ou la basse.

Par exemple, pour atténuer l’effet du fa, qui forme une dissonance de 7e mineure avec la fondamentale sol dans :

S : fa
B : sol

on peut ajouter un , qui est à la fois consonant avec le fa (formant une tierce) et avec le sol (formant une quinte) :

S : fa
A :
B : sol

11.2. Accord pédale

Considérons :

  • un accord pédale P consonant sur une partie des voix
  • un accord consonant A sur les autres voix

Si les notes de P ne forment que des consonances avec les notes de A, l’ensemble est consonant.

Si les notes de P forment au moins une dissonance avec les notes de A, l’ensemble produit un effet de dissonance modérée, grâce aux consonances internes de P et de A.

Le résultat dépendra bien entendu du rapport entre le nombre de consonances et le nombre de dissonances.

12. Basse des accords

12.1. Pédale

Lorsqu’une pédale est placée à la basse, c’est la voix directement supérieure qui remplit temporairement le rôle de basse des accords.

Dans le cas d’un quatuor, si une pédale est à la basse ce sera le ténor qui accueillera la basse des accords.

12.2. Accord pédale

Dans le cas d’un accord pédale, c’est la voix la plus grave parmi celles qui ne sont pas impliquées dans l’accord pédale qui remplit la fonction de basse des accords.

13. Camouflage

13.1. Introduction

Le camouflage est une technique qui a pour but de faire passer un élément musical au second plan.

13.1.1. Étrangeté

Il arrive qu’un élément musical génère un effet inhabituel, voire étrange.

Lorsqu’on est confronté à une telle disposition, il existe alors trois possibilités :

  1. l’éviter complètement
  2. l’appliquer malgré tout, car elle correspond à l’effet désiré
  3. utiliser un camouflage afin qu’elle reste discrète

13.2. Position

Les positions les plus discrètes sont :

  • les voix internes
  • les temps faibles
  • l’intérieur du règne d’un accord
    • éviter le début, au changement d’harmonie

13.3. Diversion

La diversion fait intervenir un autre paramètre (mélodique, harmonique, rythmique, etc) pour divertir l’oreille, qui prête alors moins attention à l’agencement que l’on veut placer à l’arrière-plan.

13.3.1. Une quarte, ou plus

Lorsqu’on souhaite qu’un lien entre deux objets musicaux proches soit masqué, on peut intercaler une note afin de produire un intervalle mélodique important, une quarte ou plus, avec au moins une des notes environnantes.

Utile pour masquer :

  • les intervalles rapprochés
  • les cadences d’intervalles directes ou parallèles
  • etc

13.4. Désynchronisation

Lorsqu’on souhaite qu’un lien entre deux objets musicaux soit discret, on les place :

  • sur des temps différents dans leurs mesures
  • dans des motifs mélodiques distincts

13.5. Éléments musicaux

13.5.1. Intervalles harmoniques

Un intervalle harmonique sera toujours plus discret s’il n’est pas plaqué. Il suffit pour cela de faire commencer une des deux notes avant l’autre.

On peut même aller plus loin et éviter de produire cet intervalle harmonique. On utilise alors une des techniques suivantes :

  • attendre la fin de la première note avant de jouer la deuxième
  • modifier la disposition de l’accord concerné
  • intercaler une modification de la disposition de l’accord
    • échange
    • changement
  • décaler une des deux notes à un autre moment du règne de l’accord

13.5.2. Mouvements polyphoniques

13.5.2.1. Direct disjoint

Pour masquer un mouvement direct disjoint, on peut ajouter une ou plusieurs notes de passage afin de produire un mouvement mélodique conjoint. Le mouvement mélodique essentiel associé restera disjoint, mais sera plus discret.

Exemple, on part de :

S : si mi
B : sol mi

et on ajoute la note de passage fa, pour obtenir :

S : si   mi
B : sol fa mi

14. Superposition rythmique

14.1. Introduction

Ce chapitre analyse les configurations rythmiques que l’on rencontre dans une polyphonie.

14.2. Classification

14.2.1. Rythmes identiques

Les deux rythmes sont identiques. Exemple :

S : B N N N N Bp
B : B N N N N Bp

14.2.2. Rythmes contrastés

Un rythme est lent, l’autre est rapide. Exemple :

S : Bp     Bp    
B : N N N N N N

14.2.3. Rythmes dialogués

Les voix alternent rythmes rapides et lents, afin de laisser à chacune un « temps de parole ». Exemple :

S : Bp     N N N
B : N N N Bp    

14.2.4. Rythmes décalés

Les deux rythmes sont décalés. Exemple :

S : N N N N
B : N N

14.2.5. Rythmes hybrides

Il s’agit de rythmes alternativement synchronisés et décalés. Exemples :

S : N N N N
B : N N N N

Le même en version fluide :

S : N B   N B  
B : B   N B   N

14.2.6. Rythmes convergents

Ce sont des rythmes contrastés, décalés ou hybrides qui convergent l’un vers l’autre. Cette situation est très fréquente à l’approche des fins de phrase, où toutes les voix finissent par ralentir. Exemple :

S : N N B   N Bp
B : N N N B   Bp

14.2.7. Rythmes fleuris

Il est bien évident que chaque mélodie peut changer de rythme à tout instant, modifiant du même coup l’agencement rythmique de la polyphonie. Lorsqu’une superposition de rythmes fait entendre successivement différentes configurations, on parle de style fleuri.

14.3. Rythmes agrégés

Un rythme agrégé résulte de la condensation en une seule voix des différents rythmes d’une polyphonie : chaque nouvelle note entamée sur une des voix est également entamée sur le rythme agrégé. Considérons par exemple la superposition :

S : Np C
B : C Np

Pour obtenir le rythme agrégé, on décompose le temps en suivant la plus petite valeur commune, ici la croche, et on note le début de chaque note sur le tableau correspondant :

    C C C C
S : X     X
B : X X    
agrégé : X X   X

On voit qu’aucune note n’est entamée à la troisième croche. Le rythme agrégé associé est donc :

C C cs C

ou, en version fluide :

C N C

14.3.1. Binaires

Rythmes superposés Rythmes agrégés
Ν N + Np C N C C
Np C + C Np C N C
N C C + C N C C C C C
N N + C N C C C C C
   

14.3.2. Ternaires

Rythmes superposés Rythmes agrégés
B N + N B Ν N N
N B + B C C N N C C
N C N C + N N N N C C C C

14.3.3. Hybrides

Rythmes superposés Rythmes agrégés
N N N + Np Np N C C N
B N + Np Np Np C N
B C C + Np Np Np C C C
N B + Np Cp Cp N C Cp Cp

14.4. Structure rythmique

Le moyen le plus simple permettant d’établir la structure rythmique d’une polyphonie consiste à assigner un niveau rythmique différent à chacune des voix. Par exemple, une voix peut jouer une note à chaque oscillation, une autre à chaque mesure ou pulsation et une troisième à chaque temps. Dans l’hypothèse d’un quatuor, cela laisse une voix au rythme totalement libre.

Toutes les variantes de ce schéma sont possibles. Dans les cas extrêmes, la structure rythmique est répartie sur toutes les voix, sur une seule, voire sur aucune. Les rythmes eux-mêmes peuvent n’être qu’approximativement réguliers : l’essentiel est qu’ils établissent clairement les fondations rythmiques de la polyphonie.

De plus, les rôles des voix peuvent être permutés ou modifiés à tout moment, ce qui permet de générer une musique vive et variée.

14.4.1. Ostinato

L’ostinato est un motif qui se répète en boucle. On peut l’utiliser pour concentrer le support rythmique en une seule voix, ce qui libère les rythmes du reste de l’ensemble.

Considérons par exemple une carrure composée de quatre oscillations. Chaque oscillation est subdivisée en deux pulsations ternaires durant chacune une blanche pointée. Cette structure correspond au schéma :

§ χ χ χ χ
§ χ χ χ χ
§ χ χ χ χ
§ χ χ χ χ

On peut lui associer l’ostinato suivant :

Bp B N
N N N B N
Bp B N
N N N N N N

Remarque : par son coté inlassable, constant dans un environnement variable, on peut voir un ostinato comme une sorte de pédale rythmique.

14.4.2. Percussions

Un autre moyen de mettre en évidence la structure rythmique d’une oeuvre est d’ajouter des percussions. Les rythmes des voix préalables sont alors totalement libérés.

14.5. Syncopes

14.5.1. Retard harmonique

Un procédé élégant consiste à utiliser une syncope pour produire un retard harmonique.

14.5.2. Syncope d’harmonie

La syncope d’harmonie est un accord entamé sur temps faible, ou partie faible de temps, et poursuivi sur temps fort, ou partie forte de temps.

14.5.3. Mélodie qui se décale

UNe mélodie peut occuper un nombre de temps différent du nombre de temps par mesure. Si on la répète, elle va alors à chaque fois présenter une autre note au premier temps de la mesure.

Exemple avec une mesure à 3 temps et une mélodie do ré mi fa :

do ré mi | fa do ré | mi fa do | ré mi fa | do ré mi | fa …

Auteur: chimay

Created: 2024-01-30 mar 10:50

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